Stripped in Gaza

C’est difficile, là encore. Mais peut-être plus encore que les autres lieux. Parce que Gaza a été mon dernier point de broderie avant la majorité. J’ai toujours eu l’impression d’avancer dans ma vie en points de chainette, avec de grands pas en avant qui sont en fait des boucles qui reviennent en arrière s’ancrer dans les précédentes. C’est un point solide, mais qui peut se défaire très facilement si on ne le continue pas en-dehors du tissu. Raconter Gaza, ce n’est pas raconter une première expérience à l’étranger, ce n’est pas parler de ce que c’est que d’être une jeune fille de 17 ans qui part quelques mois en programme linguistique. C’est une continuité. Le tissu est peut-être un peu plus rêche qu’auparavant, mais j’avance tout de même. Je n’ai pas de vie sociale, mais je ne suis pas la seule au monde. Et dans mes oreilles passent RATM, Smashing Pumpkins, Faith No More… Moi aussi je me radicalise en quelque sorte. Je mets des Docs montantes 16 trous et je ne me peigne plus les cheveux. Moi aussi je suis une riot grrrl, je suis (j’aimerais être une petite copie de) Kim Deal (the Breeders), Nina Gordon (Veruca Salt) ou Donita Sparks (L7). Et pourquoi ? Parce que : quelle joie de vivre !

Aujourd’hui, le temps file à toute vitesse, mais à 17 ans, dix mois suffisent à « changer sa bonne femme ». Dix mois dans la passion, ça rend aveugle, non ? Le strip de Gaza, je me le suis mis bien sur les yeux.

Je porte des jeans larges et 2 ou 3 chemises superposées.
Je suis empêchée de sortir de me faire des amis de danser de chanter de boire de voyager de faire du sport de rire de voir mes grands-mères mon frère. Je n’ai pas de réponse à cela.
On ne fugue pas de Gaza. On ne fait pas le mur à Gaza. On ne s’amuse pas à s’amuser à Gaza.
Si tu n’as pas un minimum de vie intérieure, tu ne survis pas. Mais dans ce domaine, je suis sacrément expérimentée. En moi, j’ai toute une bande de jeunes, comme Renaud, et en outre je suis sur-adaptable. ‘Til I break my gueule…